Peinture en hommage à Faïz Ahmed Faïz réalisée par Khuda Bux Abro
Faïz Ahmed Faïz est considéré comme l’un des plus grands poètes de langue ourdoue. Il naquît en 1911 à Sialkot dans le Pendjab et mourut à Lahore en 1984. Enfant d’une famille aisée dont le père était avocat, Faïz commença ses études par l’école coranique dès l’âge de 4 ans. Durant ses études secondaires, il apprit l'arabe, le persan et l'ourdou. A l’université, il se spécialisa dans l'étude des langues arabe et anglaise. Il termina son cursus en décrochant son diplôme de Master en littérature anglaise. Très tôt, Faïz s’engagea dans la politique et lutta activement pour la partition de l’Inde. Après la création de l’Etat du Pakistan, ses prises de position, sa critique virulente des dérives dictatoriales des gouvernements en place ainsi que sa liberté de ton lui valurent de fréquents séjours en prison. Faïz nous livrera quelques uns de ses poèmes les plus poignants inspirés de son expérience carcérale. Le poète lutta également activement pour la cause palestinienne et les droits du monde arabe. A sa mort, dans un élan de sympathie générale, son décès fut annoncé à la une par la presse non seulement au Pakistan et en Inde, mais également dans le Moyen-Orient.
D’un lyrisme d’inspiration classique (Ghalib) à ses débuts, Faïz, suivant les traces de Muhammad Iqbal, évolua par la suite vers une poésie de plus en plus engagée. Il se fit le chantre de la liberté d’expression, le porte parole des opprimés et le fervent défenseur des droits fondamentaux de l’homme. Néanmoins, sa poésie garda toujours la beauté lyrique des œuvres classiques de la poésie ourdoue comme le relève avec justesse son traducteur en français, l’éminent savant Laïq Babree : « C’est la caractéristique de la poésie de Faïz que la conscience politique se marie chez lui avec la conscience poétique d’une façon si harmonieuse que la protestation la plus véhémente contre les injustices revêt la dignité d’un chant ».
La fenêtre
Que de croix plantées
Partout dans ma fenêtre !
Chacune baignée
Dans le sang du Messie,
Chacune aspirant à l'union
Avec son Seigneur.
Sur l'une est crucifié
Le nuage du printemps ;
Sur l'autre
La lune brillante ;
Sur l'une est crucifié
Le bosquet vibrant ;
Sur l'autre
La brise matinale.
Et chaque jour ces dieux
De la beauté
Glissent ensanglantés
Dans ma cellule douloureuse.
Et chaque jour,
Devant mes yeux,
Se dressent
Les corps intacts de ces martyrs.
Prison de Montgomery, déc. 1954
Faïz Ahmed Faïz, Poèmes, choix, traduction de l'ourdou et introduction par Laïq Babree, Seghers, p. 83
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