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mercredi 1 décembre 2010

Barjavel : L'humanité dans un dé à coudre



"Un corps vivant ou un corps inerte, un caillou, un clou ou un genou, un pou, sont pareillement constitués de molécules, les molécules sont constituées d'atomes, et les atomes de particules dont certaines assemblées forment le noyau, les autres tourbillonnant autour.
Mais ce noyau est si petit, et les particules qui vibrionnent à ses alentours encore tellement plus infimes, qu'on peut considérer qu'un atome est presque entièrement constitué de vide. De vide. Non pas d'espace empli par un fluide transparent, léger insaisissable. De vide. De néant. Zéro absolu. Rien.
On a calculé que si on réunissait tous les êtres humains vivant sur la Terre, et si on parvenait à supprimer le vide de leurs atomes, toutes les particules qui composent l'espèce humaine tiendraient dans un dé à coudre.
Un dé à coudre de particules, et du néant, pour construire trois milliards d'hommes, quel que soit le maçon, il sait tirer parti des briques !
Mais ces briques elles-mêmes, ces particules, ce matériau de base de la matière, sont-elles vraiment bien solides ? Sont-elles enfin quelque chose ? Ma main, mon cœur, le bois de mon bureau, l'épaule de mon fils, peut-on s'appuyer ?
Prudence. Ces particules, ceux qui les connaissent le mieux en sont à se demander si elles ne sont pas seulement des parcelles d'énergie en mouvement. Et si elles ne se divisent pas à leur tour, en particules infiniment plus petites, séparées par du vide, lesquelles particules infiniment plus petites n'ont pas de raison de ne pas être à leur tour composées d'énormément de vide, et de particules qui, si petites soient-elles, peuvent à leur tour ne contenir à peu près que du vide et d'autres particules encore plus petites, plus petites, petites, petites...[...]
Vanité des vanités, dit l'inconnu de l'Ecclésiaste, tout n'est que vanité. Il a peut-être commencé à le dire en sumérien. Peut-être bien avant Babel le disait-il déjà. Puis en  araméen, en hébreu, en grec et en latin :
Vanitas...
Dérivé de vanus, qui signifie : VIDE.
La science a son tour vient de le découvrir."

René Barjavel, La faim du tigre, Folio, 1968, pp. 68-9

6 commentaires:

  1. En 1966, dans un cours de chimie générale à la Sorbonne, le professeur (Paul Laffite, peut-être)déclara - de manière anecdotique - qu'un physicien avait calculé que si l'on supprimait le vide entre les particules élémentaires dont la matière est formée, l'humanité tiendrait dans un dé à coudre. Cela fut indiqué dans un Petit Larousse édité dans les années 1950 à l'entrée "atome". Mais, depuis lors, il semble que les auteurs du dictionnaire Larousse aient renoncé à indiquer cela pour je ne sais quelle raison.
    Bien sûr, la densité de la matière ainsi contenue dans un dé à coudre serait énorme et cela dépasse l'entendement. C'est au point que cette affirmation n'est pas prise au sérieux par bien des personnes qui n'ont aucune culture scientifique. Mais nul n'a jamais prétendu que cette situation était réalisable ! On peut peut-être parler là d'une "expérience de pensée".
    Puis, il fut question de l'existence d'étoiles extrêmement denses après l'effondrement gravitationnel de ladite étoile sur elle-même. Cela conduit aux étoiles dites "naines blanches".
    Cela, cependant, n'est pas le stade ultime de l'état d'une étoile. Certaines sont dites "étoiles à neutrons". Leur densité est encore plus grande que celle des naines blanches.
    Enfin l'on parla de troux noirs, des objets dont l'existence ne fait plus de doute pour personne (dans la communauté scientifique, sinon dans le grand public non scientifique). Ces objets sont encore plus denses que les étoiles à neutrons.
    Dans un tel objet l'humanité tiendrait dans un volume plus petit - je suppose - que celui d'un dé à coudre.

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  2. Suite de mon précédent message sur "l'Humanité dans un dé à coudre":

    Pour vous faire sourire, voici une anecdote vécue par une de mes sœurs. En 1966, je racontai un jour ce qui précède (mais en me bornant à dire que l'humanité tiendrait dans un dé à coudre si l'espace vide entre ses particules constitutives était supprimé). Ma sœur - de cinq ans ma puînée - prit cela au sérieux sans imaginer un instant que j'aurais pu inventer cela pour me payer sa tête. Je suppose qu'elle me regardait avec les mêmes yeux que ceux de Miss Giorgiana Darcy lorsqu'elle regardait son frère, le beau et réservé Fitzwilliam Darcy du roman de Jane Austen, "Orgueil et préjugés" - titre original, "Pride and Prejudice".
    Elle raconta ensuite cela dans son lieu de travail, une perception quelque part en France. Les fonctionnaires des Impôts directs s'autorisent cela, apparemment. Une collègue lui déclara tout de go que cela ne tenait pas debout. Ma sœur fut outrée et dit que son frère étudiant le lui avait dit. Rien n'y fit. La dame lui dit que son frère était un drôle d'étudiant, sans doute pas bien malin. Ma sœur fut vexée au-delà de toute expression et me raconta cela par la suite. Je fus légèrement vexé, moi aussi, mais, surtout, j'étais ulcéré de voir ma sœur ainsi humiliée. Elle commença, bien sûr, par me demander si j'avais été sérieux. Je répondis que oui, mais je voyais bien que le doute subsistait, ce qui me chagrinait ! Me vint alors à l'esprit que cette chose étonnante figurait dans le Larousse. Je lui dis :"Crois-tu qu'il puisse y avoir des mensonges dans le dictionnaire ?" "Non, bien sûr !" répondit-elle. "Va lire l'article sur le mot 'atome !' ", lui dis-je alors. Elle ne tarda pas à revenir, tout sourire, et à dire :"Je vais lui montrer ça !" Je dis vivement, "Non, non! Tu vas faire ceci : arrange-toi pour placer la phrase suivante lors d'une conversation quand vous prenez le café, «Quoi ! C’est dans le journal ? Tu crois tout ce qu'il y a dans les journaux ?" "
    Cela marcha à merveille. La stupide jeune femme de se récrier, "Oh, non ! On raconte n'importe quoi dans les journaux !" Ma sœur dit alors (suivant mes instructions) :"Oh, c'est bien vrai, il y a même des énormités dans le dictionnaire Larousse !" La collègue répliqua vivement, "Qu'est-ce que tu racontes ? C'est sérieux ce que dit un dictionnaire !"
    Ma sœur sortit alors le dictionnaire et lui dit, "Eh bien, regarde ça !" en le lui tendant après l'avoir ouvert à la page appropriée.
    Je vous laisse imaginer la suite.

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    1. Merci pour ces informations passionnantes et cette anecdote amusante. Le petit Larousse suit les aléas du monde moderne. La suppression de certaines données, quand bien même réelles, le sont sans doute dans le but d'éviter de donner une impression "mystique" et donc "pas sérieux" à l'ouvrage.

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    2. Merci de votre réponse.
      Peut-être avez-vous raison. Cependant, cinquante ans plus tard, je verrais d'un œil favorable le retour de cet article - actualisé au besoin - dans le Petit Larousse.
      La science n'est plus dans sa tour d'ivoire. Cependant, elle rebute toujours les personnes dépourvues de culture scientifique. J'ai lu plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique d'Isaac Asimov. Ils sont très agréables à lire. Asimov était très clair. Mais, si j'ai appris bien des choses dans les livres de cet auteur, je ne partais pas de zéro car je suis un professeur de sciences physiques (honoraire). Si clairs que soient les livres d'Asimov, ils restent difficilement accessibles à toute personne totalement ignorante de la science.

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    3. Oui, je suis bien d'accord avec vous. Même si la science n'est plus dans sa tour d'ivoire, on emprunte toujours difficilement les passerelles pour aller voir ce qui se passe chez les voisins.
      En tout cas, merci pour vos remarques judicieuses.

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  3. Merci de votre appréciation !
    Je reviendrai sur ce forum occasionnellement pour voir s'il y a d'autres contributions sur ce sujet.

    Oh ! j'ai relu mon premier message et y ai vu une faute que j'y ai commise : "troux" au lieu de "trous". Cela est dû à une relecture inattentive. Il n'est pas possible, je crois, de corriger ses messages après qu'ils ont été postés. Je serai d'autant plus vigilant à l'avenir.

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