Le prosélytisme religieux me laisse toujours perplexe. Face à un monde où les sentiments nationalistes et les intolérances religieuses ne cessent de grandir et de s'exacerber, je me demande si le prosélytisme religieux a encore sa place dans notre monde. Ne convient-il pas plutôt d'aller au devant de l'autre afin de le comprendre dans son altérité, d'établir un dialogue avec lui et de favoriser une compréhension mutuelle ? Je suis toujours surpris et gêné lorsque des Témoins de Jéhovah frappent à ma porte et tentent de me convertir à leurs croyances, comme je suis dubitatif lorsque j'entends des musulmans parler de "Tabligh". Le Coran, au verset 48, de la sourate 5, affirme clairement que la diversité des communautés est voulue par Dieu et qu'elle est un don de Sa part à l'homme. Le mystique al-Hallâj prêchait une parole à portée universaliste comme nous le montre l'extrait ci-dessous. Pour lui, l'essentiel était l'adoration de Dieu et le fait de mener une vie vertueuse, peu importe les dénominations confessionnelles.
Coran, 5, 48 : "Si Dieu l'avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu'il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour, à tous, se fera vers Dieu ; il vous éclairera, alors, au sujet de vos différends." (trad. Denise Masson)
Tiré de la Passion de Hallâj de Louis Massignon :
"On rapporte d'Abdallah bin Tahir Azdi : "j'étais à me quereller avec un Juif au marché de Bagdad, et un mot m'échappa : "chien !" Passant alors à côté de moi, Mansûr al-Hallâj me regarda d'un air fâché et me dit : "ne fais donc pas aboyer ton chien !" et s'éloigna en hâte. Finie ma querelle, je le cherchai, entrai chez lui ; mais il détournait de moi son visage. Je m'excusai et il s'apaisa. Puis il me dit "mon fils, les confessions religieuses, toutes, relèvent du Dieu très Haut ; Il assigna à chaque groupe une confession, non par un choix émanant d'eux, mais en leur imposant Son choix. Quand on reproche à un autre d'appartenir à une confession erronée, c'est qu'on présuppose qu'il l'a choisie de lui-même. Sache que le Judaïsme, la Chrétienté, l'Islam et les autres dénominations confessionnelles sont des surnoms différents et des appellations contrastantes ; mais que leur But, lui, ne souffre ni différence ni contraste ; puis il récita :
"J'ai réfléchi pour donner des confessions religieuses une définition expérimentale
Et je la formule : un Principe unique à ramifications multiples.
N'exige donc pas de ton interlocuteur qu'il adopte telle ou telle dénomination confessionnelle,
Cela l'empêcherait de parvenir à l'union loyale (avec toi et avec Dieu).
C'est au Principe lui-même de venir à cet homme, et d'élucider
En lui toutes les significations suprêmes : et alors cet homme comprendra (tout)."
Louis Massignon, La Passion de Hallâj, Gallimard, t. I, 1975, pp. 238-9
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