Mother India, MF Husain |
"[...] car
c'était l'Inde Mère elle-même, l'Inde Mère avec son faste criard et son
mouvement inépuisable, l'Inde Mère qui aimait, trahissait, mangeait et dévorait
ses enfants puis qui les aimait de nouveau, ses enfants dont les relations
passionnées et les querelles sans fin allaient bien au-delà de la mort; elles
s'étendaient dans les immenses montagnes comme des exclamations de l'âme, et le
long des larges fleuves charriant miséricorde et maladie, et sur les plateaux
arides ravagés par la sécheresse sur lesquels des hommes entamaient la terre
stérile à la pioche; l'Inde Mère avec ses océans, ses palmiers, ses rizières,
ses buffles aux trous d'eau, ses grues aux cous comme des portemanteaux
perchées sur la cime des arbres, et des cerfs-volants tournant hauts dans le
ciel, et les mainates imitateurs, la brutalité des corbeaux au bec jaune, une
Inde Mère protéenne qui pouvait devenir monstrueuse, qui pouvait n'être qu'un
ver sortant de la mer avec le visage d'Epiphania emmanché d'un long cou
squameux; qui pouvait devenir meurtrière, qui dansait avec la langue de Kali et
le regard qui louche pendant que mourraient les multitudes; mais au-dessus de
tout, au centre exact du plafond, au point où convergeaient les lignes de
toutes les cornes d'abondance, l'Inde Mère avec le visage de Belle."
(Folio poche - p. 105)
Source : Salman Rushdie, Le dernier soupir du Maure, Folio
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