Sindbad PUZZLE

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samedi 25 décembre 2010

Barjavel : Hasard ? Mon oeil



"Les rationalistes-matérialistes ont beau jeu de dénoncer la puérilité, la supercherie des dogmes religieux, histoires d'apparence infantile, dont la signification secrète a été totalement oubliée. Mais leur explication du monde est encore plus invraisemblable : d'après eux, toutes les merveilles dont nous sommes faits et celles parmi lesquelles nous vivons sont le résultat d'une succession de mutations heureuses dues au hasard, les mutations défavorables éyant été éliminées...
Examinons, en partant de ce point de vue, un de nos organes les plus simples dans sa structure et son fonctionnement : l'oeil...
C'est une chambre noire, comme l'intérieur d'un appareil photo. Le hasard l'a fabriquée. Bien. On se demande où en serait la triomphante industrie japonaise de la photographie si ses ingénieurs avaient travaillé au hasard...
Passons. Pour reconstituer le relief il faut deux images légèrement décalées. Le hasard nous a donc dotés de deux chambres noires placées à proximité l'une de l'autre. Nous pouvons supposer que des mutations malheureuses qui nous avaient placé un oeil dans le dos et un autre sur le ventre ont été éliminées. C'est logique...
Une bienheureuse multiplicité de hasards a également abouti à donner ces deux yeux-relief à beaucoup d'espèces animales. [...]
Pour que la chambre noire de l'oeil puisse "voir", il lui faut une ouverture. Le hasard, par bonheur, l'a percée. C'est la pupille. Un mécanisme est nécessaire pour agrandir l'ouverture quand la lumière ambiante est faible, et la rétrécir quand elle est violente. En photo, cela se nomme le diaphragme. Le hasard nous l'a fabriqué : c'est l'iris, auquel il a donné une couleur, bleue ou noisette, suffisamment opaque pour empêcher la lumière d'entrer autrement que par le trou, et qui par-dessus le marché, gratuitement, personnalise le regard. Merci, hasard...
Je ne sais pas, et j'ignore si les biologistes savent, quelle est la partie de l'oeil qui mesure la quantité de lumière et ordonne à l'iris de contracter ou de dilater la pupille, mais le hasard sans y penser nous a dotés de ce détail sensible.
Donc, la lumière entre. Pour faire de ce flot une image nette, il faut une lentille. Le généreux hasard nous en a fourni deux. Une fixe, devant la pupille, la cornée, une autre variable, derrière la pupille, le cristallin, chargé de faire la mise au point. Le faisceau lumineux, discipliné par la traversée de ce dispositif, va s'épanouir au fond de la chambre noire sur une surface sensible, la rétine, que le hasard a heureusement confectionnée en ce lieu, et il y forme une image. La multitudes de cellules, les cônes et les bâtonnets, dont le hasard a constitué la rétine, ces cellules parfaites, assemblées par hasard, analysent chaque point de l'image, sa brillance, sa couleur, et envoient toutes ensemble leurs informations au cerveau par le chemin du nerf optique, qui par hasard se trouve là. Et grâce aux facultés du cerveau que le hasard a faites extrêmement diverses, nous prenon conscience des formes et couleur du monde extérieur...
Précisons que, obéissant aux lois de l'optique, la lumière a peint sur la rétine une image à l'envers. Par hasard, le cerveau la redresse et remet le monde sur ses pieds...
Cette analyse de l'oeil est succinte et incomplète. Il ne faut pas oublier le corps aqueux transparent dont le hasard a empli la chambre noire, ce qui l'empêche de se déformer, la sclérotique dont il l'a enveloppée et qui la protège, les muscles qui lui permettent de viser l'image extérieure, les glandes lacrymales qui la lubréfient, les paupières qui nous permettent à tout instant d'interdire à la lumière le chemin de notre conscience et de trouver, quand nous le pouvons, le sommeil. Et chacune de ces parties est composée de parties plus petites, elles-mêmes composées de parties, etc., jusqu'à la foule infinie, variée et disciplinée des cellules, chacune sachant ce qu'elle doit faire et le faisant à l'instant. Cela, bien entendu, par hasard...[...]
Croire que ces merveilles si précises, et tous les autres détails du monde, si extraordinairement élaborés, sont le résultat d'une accumulation de hasards, me paraît tenir d'une certaine obturation de l'esprit..."

René Barjavel, Demain le paradis, Denoël, pp. 100-2

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