Sindbad PUZZLE

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lundi 4 octobre 2010

"La cuisine de Fès n'a pas sa pareille"


"Comment sont les musulmans des autres pays ?
- Il y a des Blancs et des Noirs, des Chinois, des Indiens, des Perses, et même des Russes. Peu d'entre eux parlent notre langue. Pour communiquer, on était obligé d'utiliser des signes. Ils ne mangent pas comme nous non plus. Et je dois dire que, quand nous, Marocains, nous partagions avec nos voisins les plus proches notre nourriture, ils en étaient béats d'admiration. Fès, messieurs, et tout est dans Fès. Notre cuisine n'a pas sa pareille. Qu'y a-t-il de mieux que le tajine de viande et ses légumes mijotés, le poulet rôti avec son citron confit et ses olives, la pastilla avec ses pigeons et ses amandes, le vrai couscous aux sept légumes de chez nous ? Un jour, je me suis laissé tenter par un groupe d'Indiens qui m'ont fait goûter un de leurs plats. On ne m'y reprendra plus. Une bouchée a suffi. C'était le feu de la géhenne. J'ai failli en étouffer. Un autre jour, c'était au tour d'un Tunisien de me proposer le plat préféré de ses compatriotes : la mloukhiya. J'ai cru d'abord qu'il s'agissait de nos gombos, car je les aime bien, les gombos, contrairement à votre oncle Touissa. Mais, quand il m'a servi, j'ai vu une bouillie verdâtre-noirâtre dont la seule odeur remuait le cœur. J'y ai trempé mon pain par politesse. Ça avait le goût du henné, et la viande qui l'accompagnait, c'était du caoutchouc. Dieu nous en préserve !
- Il paraît qu'ils font du couscous au poisson, renchérit son fils, décidé à enliser la discussion dans ces plates considérations.
- Et pourquoi pas avec du cochon ? s'esclaffa haj Mohammed, provoquant l'hilarité générale. Il n'y a rien à dire, si tu veux bien manger, ne voyage pas, reste chez toi. Fès, mon ami, ses grandes maisons ! Les mains en or de ses maîtresses femmes ! Même avec des fèves sèches, elles te préparent un régal à t'en dévorer les doigts.
- Et l'eau, l'eau de Fès, ajoute Driss, douce comme du miel.
- Bien sûr, approuve haj Mohammed, un des bienfaits de Moulay Idriss, que sa baraka dure."

Abdellatif Laâbi, Le fond de la jarre, Folio, p. 175-6

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